Idrissa Ouédraogo. Certains t’appelaient « le doyen », d’autres le « savant fou », « le génie ». Moi je fais partie de ceux qui t’appelaient Maestro. Tu n’étais pas un artiste, tu étais l’artiste. Tu n’étais pas un réalisateur, tu étais le réalisateur.
Je ne parlerai pas de toi en tant que réalisateur (tout le monde connait tes films) mais de toi en tant que personne. Tu étais toujours de bonne humeur, toujours en train de taquiner tout le monde. Toujours à raconter des anecdotes. « Yaako » au journaliste qui voulait t’interviewer! Tu bavardais tellement que tu t’éloignais du sujet.
Quelques petites anecdotes à ton sujet:
Je me rappelle…
A la cérémonie de clôture du Ouaga Film Lab 2. Au lieu de t’installer avec les officiels à la place qui t’était réservée, tu es venu dans les gradins réservé au public et tu m’as demandé en désignant la chaise vide à ma gauche: <<cette chaise est occupée>>? J ai répondu << oui mais la personne s’est levée>> et tu as répliqué <<qui part à la chasse perd sa place. Je préfère rester derrière à bavarder avec des filles que d’être devant avec les officiels. On s’ennuie là-bas>>. Et tu t’es assis. Ensuite tu as chuchoté <<je vais taquiner la fille à ta droite. C’est ta copine non? Elle semble timide. Je vais la taquiner>> Et là, tu la taquines… A tel point qu’on n’arrive plus à suivre la cérémonie de clôture.
Et tu sors ton téléphone et lances un appel: <<Allô! Ça va? Je suis assis avec de charmantes demoiselles. Il y a une qui me plait bien. Tu pourrais en faire ta femme…>> Tu passes le téléphone à ma copine timide et chuchotes: <<c’est mon fils. Il est beau et charmant>>. Je me souviens de la tête de la jeune fille. Elle était toute penaude et gênée. Et toi tu t’esclaffais. C’était vraiment drôle.
Je me rappelle aussi, récemment…
Le samedi 3 février au siège du Collectif Generation Films, lors du lancement officiel du Café Cinema Ouaga. Tu étais notre invité d’honneur. On a suivi ton film « Kini et Adams ». Et après la projection, tu t’es entretenu à bâtons rompus, avec les cinéastes présents.
Tu as répondu à toutes les questions. Et quand quelqu’un t’a dit: <<Kini et Adams, ça fait déjà 20 ans>>, tu étais étonné. En mangeant des cacahuètes et en buvant du café tu réponds: <<Ah bon? Déjà? 20 ans c’est trop (…) Il faut que je refasse un film comme ça (…) J’ai 64 ans (…)>> Mais finalement, tu ne referas pas de film, papa…
Je me rappelle…
Le lundi 5 février 2018, j’étais au CENASA pour l’installation du nouveau ministre de la culture. Et là, j’entends ta voix m’appeler: <<Eh la petite fille! Ça va>>? Je souris. Tu me places deux bises exagérément sonores sur les deux joues. Je me mets à rire. Tu dis en riant <<Ah oui! C’est comme ça se fait, les bises>> tu me donnes une tape paternelle à l’épaule et t’engouffres dans la foule.
C’était la dernière fois que je te voyais… Ce que je retiens de toi, c’est l’image d’un homme très humble, très drôle et vraiment taquin. Un vieux de 64 ans avec un sourire d’adolescent…
Adieu Maestro…
Ouagadougou, le 18 Février 2018
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Journaliste Blogueuse Burkinabè passionnée de l'Art