Le documentaire « Rising Up at Night » du réalisateur congolais, Nelson Makengo, a été projeté au FESPACO, dans la soirée du jeudi 27 février. Ce film de 96 minutes, sorti en 2024, dresse un portrait de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, où l’obscurité est devenue une compagne quotidienne.
Alors que le pays ambitionne de construire la plus grande centrale électrique d’Afrique, sa population, elle, se bat pour un simple accès à la lumière. À Kinshasa, plongée dans le noir, chacun trouve des moyens de fortune pour s’éclairer. Bougies, LED, feux d’artifice, etc. Une obscurité impressionnante se dessine, entre précarité et résilience.
Dans ce contexte, Makengo suit Kudi, un père de famille et vendeur ambulant de lumières. La nuit, il sillonne les rues, cherchant à vendre ses lampes torches, espérant ainsi réunir assez d’argent pour réaliser un rêve collectif, d’acheter un bout de câble électrique volé par des gangs urbains et rétablir le courant pour les fêtes de Noël et du Nouvel An. Dans cette quête acharnée, le film dévoile une population qui, malgré la violence et l’incertitude, réinvente son quotidien dans la beauté fragile des nuits de Kinshasa.
L’obscurité et la lumière
Makengo capte cette lutte à travers une mise en scène saisissante, des discussions à contre-jour, des silhouettes se dessinant dans l’obscurité, parfois même un écran noir qui semble absorber l’image. Mais c’est aussi un film sur la lumière, celle vacillante des lampes et torches, celle artificielle des guirlandes multicolores dans les rues, ou encore celle plus brute des éclairs illuminant le ciel.
« La joie est apportée par la lumière », peut-on entendre dans le film. Une phrase qui résonne tout au long du film, où la quête de lumière prend une dimension quasi divine. « Rising up at Night » raconte non seulement comment on vit, mais aussi comment on survit dans une ville où le quotidien oscille entre le tragique et l’absurde. Les inondations viennent s’ajouter à la misère, et l’ingéniosité des habitants s’exprime dans des gestes simples qui est de fabriquer des « arbres de lampes » sur les marchés ou illuminer des ruelles avec des moyens de fortune.
Sans jamais aborder directement la politique, le documentaire laisse en creux une réflexion sur l’organisation de la ville et la responsabilité des autorités. À travers des plans d’ensemble de Kinshasa, il inscrit les scènes individuelles dans une réalité plus vaste, celle d’un pays aux infrastructures défaillantes.
Les causes du problème oubliés
Si le film évite l’écueil du misérabilisme et propose une narration originale en Lingala, sous-titrée en français, il n’échappe pas à un certain sentiment de répétition. Cette approche immersive, bien que puissante, aurait gagné à explorer plus en profondeur l’aspect politique du problème.
Les coupures d’électricité en RDC ne sont pas qu’un simple défi social, elles traduisent une faillite structurelle, institutionnelle voire politique. Pourtant, les acteurs interrogés dans le documentaire abordent cet enjeu de manière trop timide. Ce choix artistique, s’il permet de mettre en avant la résilience de la population, peut aussi être perçu comme une esquive.
En ne questionnant pas directement les responsables de cette crise énergétique, Makengo livre un travail à moitié achevé. Son film, beau et percutant, laisse le spectateur admiratif devant l’ingéniosité des habitants, mais mécontent par l’absence de réflexion sur les causes profondes de cette obscurité persistante.
Par Issa Sidwayan TIENDREBEOGO
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