Le documentaire de la réalisatrice haïtienne, Rachel Magloire, a été projeté, lundi 24 février 2025, lors de la 29ᵉ édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Sorti en 2024, ce film de 97 minutes retrace les massacres perpétrés par les forces armées de François Duvalier contre les populations paysannes du Sud-Est d’Haïti en 1964. Un succès notable, notamment grâce à la force du témoignage des survivants, qui racontent les événements 60 ans après et qui permettent de replonger dans le passé sombre d’un pays tombé à moitié entre les mains des gangs.
« 1964: Simityè Kamoken », un documentaire qui réveille la mémoire collective sur cette tranche d’histoire méconnue du grand public.
Sous François Duvalier, président à l’époque des faits, de nombreuses personnes s’opposant à son régime vont être combattues de la manière la plus sombre et la plus triste de ce pays. En effet, les opposants au régime enclenchent en 1964, une tentative de renversement de François Duvalier, le « dictateur », comme le qualifient certains témoins du documentaire. Pour prévenir une adhésion des paysans à la « rébellion », composés essentiellement d’hommes influents du sud-est d’Haïti, le président Duvalier décide de « mater » les populations civiles. Femmes, hommes et enfants, personne ne sera épargné dans ce « massacre ».
Des viols sont commis par l’armée haïtienne, et des violations flagrantes des droits de l’Homme sont retracées par le documentaire.
Les Kamoken, ces résistants opposés au pouvoir de Duvalier, ont été réprimés dans un bain de sang. La réalisatrice, issue d’une famille de démocrates révolutionnaires, porte en elle une mémoire douloureuse de ce régime sanguinaire.
Dès les premières minutes, Simityè Kamoken capte l’attention du spectateur. Rachel Magloire commence son film par une introduction sobre et empreinte d’émotion, posant ainsi les bases d’un récit poignant. L’entrée dans un documentaire est cruciale pour immerger le spectateur et lui faire ressentir l’histoire comme s’il y était.
Un documentaire à succès
Rachel Magloire, grâce à ce film, met en lumière, une histoire sombre peinte de tragédies humaines. Des acteurs de l’ombre ou « puissants » de la République, vont conduire des opérations fratricides. Les témoignages rapportent à plus d’une centaine, les massacres commis par l’armée haïtienne à l’époque. Les corps sont jetés dans des fosses communes ou éparpillés entre la ville côtière où a eu lieu le débarquement.
Une technicité originale
Le film se distingue tant par la rigueur méthodologique de son enquête que par la qualité de son montage et le choix des intervenants. Des habitants du sud-est d’Haïti racontent avec désolation, leur vécu dans le documentaire.
L’utilisation d’images d’archives est l’un des points forts du film. Les séquences tirées de chaînes de télévision locales et internationales, ainsi que les photographies d’époque, offrent une précieuse reconstitution du passé. On y voit l’armée haïtienne, en uniforme, sous François Duvalier en pleine démonstration de force ou en train de capturer des « Kamoken », les traitant comme des prisonniers de guerre. Les images d’archives sont en noir-blanc, ce qui fait penser à un temps révolu.
Le choix de conserver les voix authentiques des témoins sans doublage renforce l’authenticité du film. Cette approche permet au spectateur d’être au plus près des émotions des intervenants. Ainsi, c’est un sous-titrage qui accompagne les dires en guise de traduction, afin de faciliter la compréhension.
Le film parvient aussi à capter l’émotion du public en adoptant un ton résolument. L’un des moments les plus marquants est le témoignage d’un survivant racontant comment il a échappé de justesse à un massacre où des figures importantes des Kamoken ont été exécutées de sang-froid. Cette séquence, particulièrement intense, a suscité un profond émoi dans la salle, prouvant l’efficacité du film à transmettre l’horreur et la douleur de cette époque.
Les transitions brutes et le rythme du récit immergent pleinement le spectateur dans l’histoire, sans artifices inutiles. La bande-son, spécialement composée pour le film, joue un rôle essentiel. Tantôt douce pour exprimer la douleur, tantôt brutale pour souligner l’intensité dramatique, elle accompagne habilement les images et captive l’audience.
Avec Simityè Kamoken, Rachel Magloire livre un documentaire puissant et nécessaire. Malgré quelques faiblesses dans la mise en scène, notamment le choix des témoins, qui s’est limité dans un cercle engageant, c’est-à-dire seules victimes parlent. Son travail d’enquête et sa narration immersive font de ce film une œuvre marquante sur l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire haïtienne.
Par Issa Sidwayan TIENDREBEOGO
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